Ici comme partout ailleurs, les écoles ont besoin d’argent. Que ce soit pour financer une activité spéciale pour les enfants ou pour une question d’infrastructure, il manque toujours d’argent. Il n’est donc pas surprenant que l’une des premières implications de Carlos en rapport avec son rôle de représentant de parents pour la 5ième année était justement la mise sur pied d’une kermesse. Ce dernier vise à recueillir des fonds pour la mise en place d’une sorte d’auvent pour les enfants qui attendent l’autobus en plein soleil. Il va sans dire que ce même auvent aura d’autres utilités.
Drapeau de la Chine
L’événement aura lieu le 14 octobre sur les terrains de l’école et portera sur le thème des « pays du monde ». Chaque niveau scolaire doit préparer de la nourriture ou des jeux selon le pays qui leur est assigné. La classe de 5e, celle de Carlos, a reçu le privilège de représenter la Chine.
Dès lors, et pour les deux semaines précédant la tenue de la kermesse, toutes nos pensées convergeront vers ce pays. Notre grande mission : faire un immense chop suey pour 50 personnes.
Je dois dire, au bénéfice de Carlos, que c’était surtout ses pensées qui étaient occupées par l’événement car, moi, je ne voyais que des légumes à couper et une recette jamais tentée à réaliser pour un nombre monstrueux de personne. Il ne fallait pas que je rate mon coup. En fait, je devrais dire « nous » car, Mme Tremblay s’est immédiatement proposée pour nous aider en prenant en charge le riz et même ce dernier n’est pas une mince affaire, croyez-moi.
Cependant, il ne suffit pas de faire un repas, vous vous en doutez. Le Mexique, terre de « fiestas » continuelles à une réputation à tenir. Notre « stand » devra pouvoir concurrencer agréablement celui des voisins car, le but ultime de cette histoire est purement mercantile.
Les gens devront acheter des coupons de valeur variables et les dépenser sur place. Une série de coupons ont été vendu à l’avance afin que tout le monde ait une petite provision dès le départ. Par la suite, une fois leurs réserves épuisés, ils pourront aller en acheter d’autres sur place. Signalons ici que l’objectif de Carlos pour notre kiosque était de 2000$ (pesos).
Fortune Cookie
Première décision : « las galletitas de la suerte » (fortune cookies). Carlos et sa mère finissent par dénicher à Guadalajara une fabrique de produits chinois destinés à la restauration. Ils y commanderont une boîte de « galletitas » (i.e. 350), des boîtes en carton portion individuelle pour mettre la nourriture et des baguettes. Le tout sera livré à Irapuato la semaine suivante.
Reste la recette. La meilleure chose à faire c’est d’aller manger chinois pour s’inspirer. Il y a justement une sorte de casse-croûte chinois à côté de notre épicerie. Nous nous y rendons donc un soir avec Mme Tremblay et nous goûterons à tout. Le riz sera particulièrement inspirant. Moi, je ne vois que la quantité de légumes qu’il faudra préparer pour le chop suey.
Toutefois, l’un des principaux défis reste la recherche de fèves germées car, ça n’est pas très courant par ici. Même si on en trouve dans les épiceries, elles ne sont pas très fraiches la plupart du temps.
Quelques jours plus tard, nous nous pratiquons à faire la recette (trouvée sur internet) avec un certain succès. Nous sommes contents du résultat mais, on n’est pas sorti du bois. C’est du boulot! Il faut dès lors commencer à planifier l’achat de la viande et la préparation des légumes… sans parler des nombreuses batch de riz.
Mme Tremblay et moi allions nous y résigner lorsque, deux jours avant le jour J, Carlos arrive à la maison en disant qu’il a parlé avec Tere a tout arrangé. Elle a appelé la propriétaire du restaurant chinois en question (elle a plusieurs restaurants en fait) et, comme cette dernière a une fille dans la même classe qu’Isabelle, elle accepte de nous aider. Après quelques discussions, Tere nous arrange le coup et négocie un prix correct pour que la dame fasse faire la nourriture par ses employés. Nous n’aurons qu’à aller chercher le tout le matin même.
Soupir de soulagement… pour moi et Mme Tremblay!
Avant dernière étape, le jeudi matin, Carlos et moi allons en classe pour aider les élèves de 5e à faire leur petit drapeau de la Chine… accessoire de promotion. Carlos a tout préparé (étude poussée du drapeau, dessin d’étoiles, découpage des drapeaux dans du feutre, etc…).
Isabelle et moi à notre kiosque
Et puis, le vendredi matin, c’est le grand jour. Malgré l’ouragan qui a sévit sur la côte du Pacifique toute la semaine en nous donnant beaucoup de pluie, le soleil est au rendez-vous. Le vent aussi cependant et ce dernier rend nos tentatives de décoration de kiosque bien difficiles. Qu’à cela ne tienne. Tous les autres kiosques rencontrent les mêmes problèmes.
Les parents commencent à arriver vers 10h30 et pour le moment, je ne peux les accueillir qu’avec des biscuits chinois car, Carlos est en route pour aller chercher le reste. À 11h00, la bouffe arrive à mon grand soulagement (mais sans Carlos, encore au prise avec les policiers à cause de notre voiture hors-normes). La propriétaire du restaurant, très gentille, m’offre de m’aider car, il y a foule.
Le chop suey a l’air drôlement bon mais je n’aurai jamais le plaisir d’y goûter.
Comme Carlos a oublié de me dire à quel prix nous vendons tout ça, ma « helper » et moi prenons une décision :
- Riz seulement : 15$
- Chop suey seulement : 15$
- Riz et chop suey : 25$
- Galletitas de la suerte : 5$ pour deux
Et, c’est parti! Les boîtes individuelles se remplissent à vue d’œil. Les biscuits s’envolent. Nous fournissons à peine. Le riz est un grand succès. Le chop suey aura son heure de gloire également mais seulement lorsque tout le riz sera vendu.
Carlos arrivera entre-temps et passera son temps à courir à gauche et à droite pour les urgences : manque de fourchettes (les Mexicains sont un peu timides avec les baguettes), drapeau de Chine qui tombe, éventails (décoration) qui partent au vent, eau (nous sommes en plein soleil et nous mourrons de soif), etc.
Philippe à la kermesse
Vers la fin, pour écouler notre inventaire de galletitas de la suerte, Isabelle partira avec un tablier chargé de biscuits et vendra petit à petit toutes nos réserves. Il ne restera rien. Nous réalisons que nous aurions pu vendre bien plus. Mais, c’est notre première expérience de la chose et franchement, dans l’ensemble, on s’en tire plutôt bien.
Nos ventes se chiffreront finalement à un peu plus de 1600$ (pesos) donc sous nos prévisions. C’est un peu décevant mais le simple fait que l’événement soit terminé nous console. Nous sommes morts! J’ai tellement souris que mes joues me font mal.